L’impression à la planche de bois gravée en relief est pratiquée dans d’innombrables ateliers jusqu’au milieu du XXème siècle ; ce procédé, très artistique, est lent. Dès les années trente il est abandonné progressivement au profit de l’impression plus rapide au cadre plat. Il subsiste jusque dans les années 1980. Nous sommes fiers de compter dans notre atelier 500 blocs d’impression, véritables œuvres d’art pour certaines, et de continuer à les utiliser aujourd’hui encore pour créer des pièces uniques aux motifs souvent extrêmement raffinés et rares.
Ce savoir-faire ancestral né au nord de l’Inde dans la région du Cachemire, arrive en Europe à la fin du XVIe siècle par les ports portugais qui jalonnent les routes de la soie.
Cette technique est pratiquée depuis des temps fort reculés (peut-être 2000 ans avant notre ère) par les artisans indiens, qui se transmettent de génération en génération les secrets de l’art de décorer les toiles de coton. Longs, complexes et empiriques, les processus de fabrication de ces indiennes reposent sur l’utilisation de mordants, sels métalliques qui, appliqués sur la toile ont la propriété de fixer les colorants de teinture. Cette maîtrise des procédés chimiques donne naissance à une palette de couleurs riches et brillantes, où dominent les rouges de garance et les bleus de l’indigo.
A la fin du XVIe siècle les Portugais ramènent en Europe ces cotonnades peintes et imprimées que l’on nomme indiennes car initialement importées des comptoirs des Indes.
Elles connaissent un grand succès avec l’intensification des relations commerciales entre l’Orient et l’Occident.
Mais au XVIIe siècle ces Indiennes ou Perses, répondant aux noms de madras, pékin, gougourans, damas ou cirsacs sont interdites à l’importation. Des fabricants décident alors de les imiter, dont un sculpteur marseillais jusqu’alors spécialisé dans la fabrication de cartes à jouer. Au XVIIe siècle, l’impression à la planche est donc d’abord pratiquée en Provence, mieux connue sous le nom des indiennes provençales ou de Marseille, encore célèbres aujourd’hui grâce aux Olivades et les Souleiado.
Au XVIIIème siècle, cette technique domine. La rencontre avec les procédés de coloration indiens entraîne son essor.
La fabrication des planches, blocs d’impression ou indiennes
La création d’une planche implique de nombreux savoir-faire.
Sa réalisation, complexe, se déroule en de nombreuses étapes et exige le concours de plusieurs intervenants : dessinateur, metteur sur bois, graveur, fondeur, chimiste…
En premier lieu, le dessinateur réalise une maquette gouachée à taille réelle.
Puis le metteur sur bois reporte le dessin sur la planche avec un gratté, qui est un papier transparent, huilé. Il doit alors peindre en vermillon les parties que le graveur doit laisser en relief.
Ensuite, pour chaque couleur que compte le motif, le graveur réalise à l’aide d’une gouge ou d’un burin une planche dans une essence dure-bois fruitier en général, souvent complétée par l’insertion de picots (clous) et de lamelles de cuivre courbes ou rectilignes. Ce procédé dit de picotage permet de restituer la finesse des points et des traits du modèle original. Une fois terminé, le bloc présente la sculpture sur un relief plat et laisse ressortir le motif dessiné plus tôt.
A la fin du XVIIIe siècle apparaissent les plombines, fabriquées grâce au procédé de clichage qui est employé jusque dans la deuxième moitié du XXe siècle. Cela consiste à couler un alliage de plomb dans un moule de bois gravé en creux, une matrice, pour réaliser certains éléments du décor, qui sont ensuite fixés sur une nouvelle planche, appelée plombine. Ces éléments peuvent être bien évidemment produits en autant d’exemplaires que nécessaire. Le clichage permet donc une duplication des plombines, que ne permet pas le bloc d’impression gravé, qui demeure une pièce unique. Ces plombines sculptées puis moulées et clouées sur les planches, sont ensuite enfoncées dans le bois avec un molleton. Enfin, on passe la planche au polissoir.
La planche est désormais prête pour l’imprimeur, qui pose alors les planches chargées de matière colorante sur la toile et y applique un coup de maillet.
Impression à la planche
L’atelier de soierie possède 500 planches d’impression ; les plus anciennes ont deux cent ans, les plus récentes une centaine d’années. Les planches sont gravées dans une essence dure en bois fruitier ; le motif gravé est souvent complété par l’insertion de picots et de lamelles en laiton pour les finesses.
Introduction
Cette technique, la plus ancienne, originaire de l’Inde et pratiquée en France depuis le XVIIe siècle, consiste à imprimer des tissus grâce à un bloc de bois gravé après l’avoir enduit de teinture.
Pour un seul dessin, il y a autant de blocs gravés que de couleurs contenues dans le dessin original, que l’on souhaite transférer sur le tissu.
Nous utilisons encore ces superbes tampons pour réaliser des pièces uniques aux motifs décoratifs souvent extrêmement raffinés.
Nous pouvons composer de nouveaux motifs en utilisant plusieurs blocs d’impression et en mixant ainsi plusieurs dessins.
Elle permet à nos imprimeurs d’explorer d’autres horizons colorés que ceux proposés par la technique d’impression au cadre plat. Son grand avantage est qu’elle permet d’obtenir plusieurs intensités de couleur en une seule application : cela dépend à la fois de la manière dont la planche a été enduite de couleur mais aussi de comment cette dernière est appliquée.
Cette technique très artistique est lente dans sa mise en œuvre mais elle permet la réalisation de combinaisons, de motifs et de nuances que les autres techniques d’impression ne peuvent effectuer. Elle est donc particulièrement adaptée à la création de pièces uniques. Elle stimule la créativité de nos imprimeurs, qui redonnent vie à de très anciens motifs en jouant avec eux et les détournant parfois pour réaliser des motifs contemporains, inattendus et raffinés.
C’est également une technique d’impression écologique puisque cette technique n’utilise aucune énergie si ce n’est celle de l’artisan et que les encres utilisées sont à base d’eau.
La technique
Pour imprimer le motif sur la soie, nous imprégnons la planche de couleur en appuyant sa face gravée sur un tampon feutre imbibé de teinture. Puis nous la posons délicatement sur la pièce de soie tendue en commençant par les picots qui saillent à l’angle et délimitent les rapports du dessin. Une fois le bloc posé sur le tissu, nous prenons un lourd maillet et avec le manche frappons deux ou trois coups le dos de la planche en son centre. L’encre se répand alors uniformément sur la soie grâce à la concavité soigneusement calculée du tampon ; puis les colorants déposés préalablement sur les surfaces en relief teintent la soie… Si le motif contient plusieurs couleurs, nous les imprimons les unes après les autres en observant un temps de séchage entre l’application de chacune.
Nous construisons ainsi le motif textile au gré des impressions successives : lorsqu’ une table de serti a été achevée nous renouvelons la tâche en changeant de couleur et de tampon et en prenant soin surtout de suivre les rapports du dessin indiqués par les pivots aux angles de la planche. =
La difficulté première de cette technique est de positionner les planches successives de la même manière en prenant soin de s ‘adapter aux impressions précédentes avec une extrême précision. Or les planches n’ont pas ou peu de repères. Nous devons donc les positionner correctement, au millimètre près et à main levée ! Rigueur, minutie mais aussi intuition sont les clés de cette technique.